Le chaos désigne, en son sens biblique et hellénique, l’abîme originaire, le néant qui aurait précédé le monde. Aujourd’hui, il renvoie à la confusion généralisée des
Résumé :
Le chaos désigne, en son sens biblique et hellénique, l’abîme originaire, le néant qui aurait précédé le monde. Aujourd’hui, il renvoie à la confusion généralisée des éléments. C’est sous ce double prisme qu’est ici proposée une lecture de trois penseurs allemands : Schelling, Hölderlin et Nietzsche. Ces auteurs ne se confrontent pas seulement au chaos des origines, mais à celui de leur temps, qui est peut-être aussi le nôtre.
Schelling, méditant longuement le chaos originaire, y voit l’éternel confl it des principes contraires : l’élan vers la lumière et la fascination du néant. Au coeur d’un monde devenu convulsif s’initie une histoire en laquelle l’homme, secondant l’oeuvre divine, a pour tâche imprescriptible de retenir le chaos.
Hölderlin endure jusqu’à s’y perdre le chaos d’un monde abandonné des dieux et qui n’est plus qu’à peine un monde. Seule la mémoire et le chant du poète peuvent encore rendre témoignage aux dieux et préserver, sous la forme paradoxale de l’absence, leur présence. Nietzsche enfi n nomme le monde pour ce qu’il est : chaos d’un devenir éternellement recommencé, dénué de fi nalité, théâtre au coeur duquel errent des figures elles-mêmes chaotiques et minées par le nihilisme.
Les oeuvres de ces trois philosophes, bien loin de céder à la fascination du chaos, ouvrent des chemins de résistance. Le chaos lui-même s’y présente comme un défi à relever : l’épreuve du combat, l’opportunité d’une liberté.
Sylvie Lenormand-Bacot, ancienne élève de l’École des Chartes, a été conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Elle a suivi des études de philosophie à l’Institut catholique de Paris, en co-tutelle avec l’université de Poitiers. Elle est docteur en philosophie. Peintre et dessinatrice, elle est sociétaire du Salon d’Automne et expose régulièrement.