Résumé : En 1997, l’agence d’architecture SCAU livre un bâtiment de bureaux en bordure du périphérique parisien. Vingt ans plus tard, elle se voit confier une réhabilitation totale du bâtiment. Ce livre témoigne d’une pratique architecturale d’un genre nouveau: une agence d’architecture réhabilitant sa propre production dans une démarche de recherche sur les questions de réemploi et de mémoire. Le projet de réemploi, qui a consisté à briser l’ancienne façade en morceaux pour recomposer le sol du nouveau bâtiment, cherche une réponse aux interrogations et aux défis lancés par l’architecture à l’ère de l’Anthropocène. La transformation in situ de la matière architecturale est une alternative à la tabula rasa et à la stricte restauration. Réemploi, recyclage et autre formule de récupération permettent de se défaire de certaines pratiques de conservation ou de restauration en quête d’authenticité, qui peuvent confiner à la falsification. C’est ici l’existant et sa persistance physique qui deviennent matière à création. En réaction à la patrimonialisation et à l’industrie de la destruction, il s’agit ici de créer avec l’existant en récupérant la matière présente sur site pour contribuer à l’édification du renouveau architectural. Il n’est plus question d’ignorer la provenance des matériaux. Ainsi, on ne parlera pas de béton ou de brique au sens générique, mais d’un béton, d’une brique, datés et situés. La couleur et la texture intégrées au cœur de nouveaux éléments deviennent des traces du bâtiment fantôme. Ainsi, l’histoire du bâtiment initial perdure à travers la matière transformée et nous questionne: De quelles mémoires le projet est-il le lieu? Quelles formes y prennent-elles? Quelles matérialités, ou alors les mémoires se fabriquent-elles par d’autres biais que celui de leur matérialisation? Seuls les gestes comptent-ils finalement, comme à Isé, davantage que les formes ou les mots qu’ils fabriquent? Moins